Gerhard Richter disait : « L’essentiel, c’est la pensée plastique ». Yoakim Bélanger sublime cet isme par un dialogue singulier avec la matière. Il pénètre son intimité et magnifie sa physicalité grâce à une technique maîtrisée de la peinture.
À l’origine de sa pratique se trouve la rencontre avec le métal, symbole par excellence de la première révolution industrielle. Yoakim Bélanger choisit de travailler sur des plaques, non seulement parce qu’elles sont étroitement liées au développement du design et de l’architecture, mais aussi parce que, de par leurs plasticités – rouillées ou miroitantes, texturées ou lisses –, elles recèlent une mémoire et un vécu qui témoignent d’un potentiel narratif infini.
Chose certaine, qu’elle s’exprime de manière organique ou architecturale, cartographique ou miroitante, la pensée plastique du métal lui permet de ne pas être envisagé uniquement comme le support de l’œuvre, mais aussi comme une matérialité dense et rigide donnant l’impulsion et la réplique au magma liquide qu’est la peinture (acrylique, encre, aérosol). L’artiste superpose cette peinture par couches, ajoutant et/ou retirant de la matière. Puis il la sable, la gratte, l’altère dans un travail de construction et de déconstruction, pour en faire ressortir la nature épidermique. Se joue alors un jeu de transparence et d’opacité grâce auquel la peinture répond à la charge émotive de l’acier tantôt sous la forme d’un prolongement plastique, tantôt sous celle d’un effacement ou d’une résistance. Sous les traits de l’abstraction, l’énergie vibratoire de la plaque impulse un rythme pour évoquer l’imperceptible et l’inintelligible et révéler la charge émotive de la chaire picturale.
Lorsque Yoakim Bélanger conçoit ses tableaux, lorsqu’il pense la physicalité des corps et des espaces qu’il peint, c’est aussi avec l’œil du vidéaste et du graphiste. Ainsi porte-t-il une grande attention à la disposition, au cadrage, au jeu méticuleux d’ombre et de lumière. Grâce à cette hybridité, il réussit à sublimer la texture charnelle des corps nus surgissant de et dans la matière et à mettre en évidence les pulsions et émotions qui habitent ces corps.
L’artiste construit et déconstruit sans cesse l’image figurative et la matière picturale pour révéler toute la puissance expressive d’un lieu peu commun : l’interstice entre l’abstrait et le figuratif, entre l’ordre et le chaos, l’ombre et la lumière, l’organique et l’architectural, le féminin et le masculin. Sa réflexion porte sur la mise en évidence d’une zone grise entre ces dualités qui le fascinent, zone qu’il préfère envisager sous l’angle d’un point de contact. Refusant de choisir entre les deux termes de l’opposition, puisque dans sa conception l’un ne va pas sans l’autre, il donne forme et corps à cet « espace entre-deux » qui, parce qu’il sépare autant qu’il relie, contient la somme des qualités de chacun des termes. D’où la puissante force vibratoire, émotive et symbolique de cet espace ! Siège par excellence du point de bascule, cet espace liminal relève d’une dynamique transformationnelle dont le point d’équilibre – parce qu’inévitablement fragile et précaire – doit être constamment renouvelé pour être apprécié.
Gerhard Richter said: « The main thing is the plastic thinking ». Yoakim Bélanger sublimates this ism by a singular dialogue with the material. He penetrates its intimacy and magnifies its physicality thanks to a mastered technique of painting.
At the origin of his practice is the encounter with the metal, the archetypal symbol of the first industrial revolution. Yoakim Bélanger chooses to work on plates, not only because they are closely linked to the development of design and architecture, but also because, due to their plasticity – rusty or gleaming, textured or smooth – they hold a memory and an experience which testify to an infinite narrative potential.
Clearly, that it expresses itself in an organic or architectural, cartographic or gleaming way, the plastic thinking of the metal allows it to not only be considered as support for the work, but also as a dense and rigid materiality giving impulse and responding to the liquid magma that is the paint (acrylic, ink, spray). The artist superimposes this paint by layers, adding and/or removing material. Then he sands, scrapes, and alters it in a work of construction and deconstruction, to highlight its epidermal nature. Then he plays a game of transparency and opacity through which the paint meets the emotional load of steel sometimes in the form of a plastic extension, sometimes as a deletion or resistance. In the guise of abstraction, the vibrational energy of the plate impulses rhythm to evoke the imperceptible and the unintelligible and reveal the emotional charge of the pictorial flesh.
When Yoakim Bélanger conceives his paintings, when he thinks of the physicality of bodies and spaces which he paints, it is also with the eye of the film maker and the graphic designer. So he pays great attention to the layout, framing and to the meticulous interplay of shadow and light. Thanks to this hybridity, he manages to sublimate the carnal texture of the naked bodies appearing of and in the material and to highlight the impulses and emotions which inhabit these bodies.
The artist ceaselessly constructs and deconstructs figurative image and pictorial material to reveal the expressive power of an uncommon place: the gap between the abstract and the figurative, between order and chaos, the shade and light, organic and architectural, the feminine and the masculine. His reflection focuses on the identification of a gray area between these dualities which fascinate him, an area he prefers to consider in terms of a point of contact. Refusing to choose between both terms of the opposition, since in his conception, one does not go without the other, he gives form and substance to this « in-between space » which, because it separates as much as it binds, contains the sum of the grades of each of the terms. Hence the powerful vibrating, emotional and symbolic force of this space! The seat par excellence of the tipping point, this liminal space is of a transformational dynamic whose equilibrium point – because it is inevitably fragile and precarious – must be constantly renewed to be appreciated.